VOICI D'AUTRES CLES DE DETERMINATION.
Un matin de Juillet 1990... Partis de l'Escalet,
nous suivons le sentier littoral qui mène au Cap Cartaya.
Quelques vacanciers sont déjà installés sur les petites plages
encadrées de rochers en contrebas du sentier. Certains fignolent leur bronzage
intégral ; d'autres (ou les mêmes) munis d'un masque et de palmes nagent
mollement en admirant les fonds marins.
Nous aimons beaucoup ce parcours très pittoresque qui nous
présente une végétation variée et spécifique.
La Rue à feuilles étroites (Ruta chalepensis angustifolia)
trahit sa présence par son odeur insistante. Le Chèvrefeuille des Baléares (Lonicera
implexa) allonge ses guirlandes fleuries parmi les Ciste, Phillaire,
Lentisque, Myrte, Nerprun, Anthyllides, jusqu'au pied des rochers qui dominent
le sentier. Des touffes de Limonium minutum émaillent de tâches mauves
les rochers du bord de mer.
Nous nous émerveillons devant la blancheur lumineuse et
l'originalité de quelques Lys de mer (Pancratium maritimum) rescapés du
piétinement, et le jaune éclatant du Scolyme d'Espagne (Scolymus hispanicus).
Après la bande de sable (tombolo) qui relie le Cap
Cartaya à la côte, nous traversons une colonie de Passerine (Thymelea hirsuta).
Sur la façade ouest du Cap, presque au niveau de la mer, un jardinet (connu de
nous seuls ?) de Jusquiame blanche (Hyoscyamus albus) se cache sous les
Tamaris.
Nous visitons ainsi régulièrement quelques "jardins botaniques
naturels" où nous pouvons observer les espèces dans leur milieu naturel et leurs
associations (caps, côtes rocheuses, haut de plages, collines du bord de mer ou
plus à l'intérieur dans le massif des Maures...)
Nous ? Un groupe de botanistes amateurs amoureux
de la nature. Une même passion nous anime : mieux connaître la nature pour mieux
l'aimer, et aussi mieux la protéger. C'est pour nous l'occasion de randonnées
d'observation, de constitution d'une documentation photographique, et parfois de
travail en salle pour faire des déterminations que nous n'avons pas pu faire sur
le site, ou faire la synthèse de nos observations.
Faire des déterminations ?
A l'aide, principalement, des ouvrages suivants :
H. COSTE : Flore de la France, de la Corse et des contrées
limitrophes
P. JOVET : Suppléments 1 à 7 à la Flore de H. COSTE
P. FOURNIER : Les quatre Flores de France
GUINOCHET et de VILMORIN : Flore de France (CNRS)
G. BONNIER : Flore complète portative de la France, de la
Suisse et de la Belgique
A. BOREAU : Flore du Centre de la France (1849)
Malgré les qualités de ces ouvrages, il m'arrive d'avoir des
doutes sur le résultat de mes déterminations. Parfois, je ne peux pas aller plus
loin que l'identification de la famille de mes découvertes parce que je ne peux
pas répondre hic et nunc à certaines questions telles que :
"Plante annuelle" ou "plante vivace" ?
"Plante aquatique" ou "plante terrestre" ?
J'ai pu remarquer que mes compagnons rencontrent les mêmes
difficultés. Il est vrai que la difficulté principale provient de la complexité
même de l'objet de l'étude : la nature ne se laisse pas facilement enfermer dans
des schémas nés de l'esprit.
Ajoutez à cela "qu'il arrive trop souvent que la même espèce
est désignée sous des noms différents par divers auteurs, soit parce que ces
auteurs ne la rangent pas dans le même genre, soit parce qu'un auteur a donné un
nom à la plante sans savoir qu'un autre botaniste lui en avait déjà donné un,
soit parce que tel descripteur change le nom d'une espèce lorsqu'il la considère
comme une sous-espèce ou même comme une variété" (G. BONNIER, dans son
introduction à la Flore complète). Et voilà qu'il faut avoir recours au
dictionnaire des synonymes.
D'autres difficultés me semble provenir de la forme même des
clés: Questions à choix systématiquement binaire qui ne facilitent pas la vue
d'ensemble des possibilités ; questions qui, dans un souci louable de précision,
sont chargées de description occultant le caractère différenciant essentiel.
J’ai donc modifié quelque peu les clés de détermination des
familles de l’embranchement des Spermaphytes (sperma: semence,
phuton : plante) aussi appelés Phanérogames (phaneros : visible,
gamos :
mariage) dans le but de réduire ces difficultés : ce sont ces clés que je
propose dans ce site. Elles reprennent globalement la structure habituelle. Dans
quelques sections, j'ai remplacé les caractères utilisés par des caractères qui
me semblaient plus objectifs, observables, mesurables ; donc plus
différenciants.
Par exemple :
- à l'alternative "Plante aquatique ou terrestre", j'ai préféré
les différentes formes de périanthe (Monocotylédones) et les relations de
l'ovaire avec le périanthe (Dicotylédones apétales/Plantes herbacées)
- j'ai utilisé la nature du fruit comme premier caractère
différenciant des familles du groupe (Dialypétales à ovaire supère, 3-15
sépales, 2-10 étamines, plante herbacée, fleur actinomorphe).
D'autres modifications plus
limitées dans les caractères utilisés sont liées à la mise à jour des clés
conformément à la nomenclature actuelle (voir "Mes sources").
J'ai cependant, pour des raisons pédagogiques, maintenu les
Cuscutacées, les Fumariacées, les Lobéliacées, les Monotropacées, les
Najadacées, les Orobanchacées, les Pyrolacées, les Vacciniacées au rang de
familles, tout en mentionnant leur nouvelle appartenance.
Complètes : ces clés répondent également aux besoins du
spécialiste.
En ce qui concerne la forme des clés de détermination :
- j'ai délibérément évité la forme binaire généralisée. Quand
les caractères constants des familles ou leurs formes variables au niveau des
genres sont en nombre supérieur à 2, je les énonce en séquence pour en donner
une bonne vue d'ensemble.
- j'ai limité le contenu
des questions au caractère
différenciant essentiel (rarement accompagné d'un caractère secondaire).
- j'utilise le plus possible le vocabulaire spécifique de la
botanique. Il donne précision, concision, communicabilité au langage du
botaniste. Ce dernier n'est pas à quelques 200 termes près alors qu'il se
dispose par ailleurs à mémoriser les noms scientifiques (et peut-être aussi les
noms vernaculaires) des 5 000 espèces de la flore française. Autant s'y mettre
le plus tôt possible ! Le vocabulaire spécifique utilisé est défini en annexe
sous la forme d'une présentation condensée de l'organisation des spermaphytes,
suivie d'un répertoire alphabétique des termes et de liens hypertexte qui les
renvoient au texte. Pour une étude plus complète il vaut mieux avoir recours aux
ouvrages spécialisés qui traitent de l'organisation des plantes.
-mais surtout ces clés sont
inter-actives: à tout moment le chemin parcouru pour la détermination
est rappelé et il est possible de revenir sur un choix pour le modifier.
Fiches d'identité des familles
Pour construire des clés de détermination il n'est pas
nécessaire d'utiliser tous les caractères qui différencient les groupes de
plantes (familles, genres). Le choix des caractères à utiliser et l'ordre dans
lequel ils le seront dépendent de l'objectif visé. Certains ouvrages utilisent
la couleur des fleurs en premier tri ; d'autres les caractères végétatifs, la
nature des fruits, l'habitat le plus courant. Linné avait d'abord utilisé le
nombre des étamines. Les caractères constants qui définissent une famille ne
figurent donc pas tous dans des clés de détermination où ils peuvent d'ailleurs
être dispersés.
Pour faciliter l'étude complète des familles j'ai donc rédigé
des "fiches d'identité". Chacune des 150 familles de la flore française
métropolitaine fait l'objet d'une fiche qui récapitule les caractères constants,
parfois avec les variantes principales, de la famille.
En ce qui me concerne, j'ai pu constater que l'identification
d'une plante m'était grandement facilitée si avant de me lancer dans des clés
et de me laisser porter par les questions, je faisais moi-même sur le site une
description exhaustive de cette plante.
J'ai noté mes descriptions sur un cahier réservé à cet usage,
en y ajoutant parfois schémas et photographies. J'attache plus de valeur à ce
cahier qu'aux quelques échantillons séchés et étiquetés que je conserve en forme
d'herbier, ou dans des petites boîtes à titre démonstratif. De plus, ce travail
personnel renforce la mémorisation.
" Eh bien, croyez-en l'expérience, faites de la botanique sérieusement et autant
que possible à fond, c'est seulement ainsi qu'elle deviendra pour vous une
source de plaisirs toujours renouvelés" (P. Fournier. "Les quatre flores de
France - édition 1990, page VI).
Gilbert NICOLAS
déc. 2006
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